Évaluations en neuropsychologie (2/5): les évaluations des troubles mentaux sont-elles toujours fiables?

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TDAH, dépression, anxio-dépression, bipolarité, Asperger... Les diagnostics sont de plus en plus utilisés dans le milieu scolaire, par les assurances, pour l'organisation des soins, etc. On devrait s'interroger sur ces étiquettes psychiatriques, notamment en se demandant si les évaluations sont toujours fiables. Des pistes pour les questionner.

Les journaux québécois ont relaté l’histoire de Clémentine, suite à son éviction d’un programme scolaire d’échange international, car elle avait reçu un diagnostic d’anxio-dépression un an auparavant. L’histoire de Clémentine m’a invité à explorer deux questionnements éthiques. Le premier texte traitait de la logique de nombreuses institutions et entreprises quant à la protection de la confidentialité de la vie médicale.

Ce deuxième texte discute de l’efficacité des critères utilisés pour poser un diagnostic de trouble mental. En d’autres mots, est-ce qu’un diagnostic comme le trouble de l’humeur, comme la dépression majeure et l’anxio-dépressionest toujours valide, alors qu’au moins 9 zones différentes du cerveau peuvent les induire? C’est la même chose pour le trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité ou impulsivité (TDAH) qui peut avoir de multiples sources.

Ces diagnostics permettent au médecin de prescrire des médicaments, respectivement d’antidépresseurs ou de psychostimulants. La question qui devrait nous préoccuper, c’est de se demander si la prise de ces psychotropes répond nécessairement aux besoins des personnes en détresse?

Pourrions-nous élargir notre compréhension du cerveau pour identifier des stratégies thérapeutiques adaptées à ces besoins singuliers?

CE QUI EST VRAI: LA DÉTRESSE ET LE BESOIN D’AIDE

J’adore l’oeuvre de Serge Marquis! Ce médecin, spécialiste en santé communautaire, a rédigé plusieurs livres pour un public général, dont Pensouillard, le hamster et On est foutu, on pense trop. Il explique, avec des images percutantes, la dérive psychologique dans laquelle la plupart des pays occidentaux se sont enfermés, d’abord en Europe, puis en Amérique du Nord.

J’ajouterais que c’est encore plus intense pour les Francophones tant européens que québécois, car la culture francophile est une « culture aérienne », une culture d’idées et de réflexions intellectuelles.

En fait, la société est devenue de plus en plus complexe. Aborder cette complexité est tout un défi pour de nombreux citoyens. De plus, l’impression de danger est omniprésente dans les médias, ce qui crée l’illusion d’un grand-méchant-monde comme l’affirme le neuroscientifique Michel Desmurgets.

On a beau avoir plus de confort matériel, la détresse humaine prend de l’ampleur. Et ce n’est pas prêt d’arrêter…

C’était déjà le cas en Europe depuis les années 1980. Vingt ans plus tard, le Québec a vécu un virage auto-protecteur de l’administration publique, alors que Monique Jérôme-Forget était ministre du Trésor (les cordons de la bourse gouvernementale). Elle souhaitait dégraisser l’administration publique, mais sa politique a eu l’effet complètement opposé.

Conséquemment, les gestionnaires des institutions publiques croulent désormais sous les documents à remplir pour justifier chaque décision, alors que la logique administrative étouffe la bonne volonté des citoyens, tant sur le plan économique que social.

Et puis, il y a les réalités des familles bousculées par la vie moderne: séparations et divorces, familles monoparentales ou recomposées, défis économiques, malbouffe, usage des écrans, manque de temps, etc.

Le détecteur de danger est de plus en plus souvent en état d’alerte. Les mécanismes de défense deviennent des états d’être. À la longue, nous sommes tombés dans le piège des idées, du mental-défensif, de la déconnection corps-coeur-esprit. C’est le monde de la charge mentale. Certains réagissent physiquement, d’autres mentalement, mais c’est le même problème.

Bien sûr, il y a des solutions, mais parfois la détresse est telle que la personne n’a plus la force de s’en sortir avec des moyens naturels. Le recours à la pharmacologie est d’autant plus invitants que nous sommes dans un monde de l’immédiateté. Mais, c’est plus pervers que cela: on encaisse trop longtemps puis, au moment où les émotions débordent tellement qu’on veut alors une solution là, maintenant, de suite.

CE QUI EST À QUESTIONNER

Théoriquement, les critères de la dépression majeure reflètent une libération insuffisante de sérotonine dans le cortex préfrontal droit. Un de mes mentors, le médecin et neurobiologiste Laurent Descaries, a montré qu’en fait, les neurones impliqués doivent s’auto-stimuler pour être efficaces. Dans le cas d’une vraie dépression, un phénomène interne (dérèglement) ou externe (situation) perturbe l’auto-stimulation et l’efficacité amoindrie perturbe les humeurs.

De là, trois moyens thérapeutiques permettent la guérison d’une vraie dépression tel que décrit dans une précédente chronique:

  1. les antidépresseurs,
  2. la psychothérapie et
  3. l’activité rythmique cyclique comme la marche, le footing ou la nage durant plus de 30 minutes, trois fois par semaine.

Mais, il y a d’autres origines neurologiques qui expliquent les symptômes. Par exemple, le neuroscientifique Allan Shore rapporte que l’hémisphère cérébral droit devient fonctionnel durant l’enfance (5-12 ans) et qu’il reste dominant durant une bonne partie de la vie, surtout chez les personnes sensibles. Chez ces dernières, la « sur-efficacité » du cortex préfrontal droit induit une dramatisation exagérée des éléments de la vie courante et un manque de recul pour être capable de dégager des solutions gagnantes. C’est encore pire si la personne n’a pas développé suffisamment de stratégies pour régler des problèmes communs.

Shore a aussi démontré que l’éducation et le mimétisme des comportements observés chez un parent ou un adulte important, alors que la personne est encore un(e) enfant, peut induire des comportements similaires une fois devenu(e) adulte.

Par ailleurs, l’histoire de Marie affectée par une charge mentale trop lourde nous illustre que, derrière ces symptômes, se cachent souvent des enjeux majeurs qui ne sont pas liés à une dépression, mais plutôt une nécessaire remise en question de ses priorités. D’autres fois, il s’agit de gérer le deuil d’une personne disparue, d’une opportunité professionnelle qui n’a pas été possible, d’un idéal impossible à atteindre, etc. Il y a également la manière de gérer les attentes déchues ou simplement l’impuissance devant une problématique chronique.

Autrement dit, une personne qui prend des antidépresseurs ou qui suit une thérapie comportementale pendant plus de 12 mois n’a sans doute pas une « vraie » dépression, même si elle en a les symptômes. La direction thérapeutique doit être révisée par le médecin ou le psychothérapeute, afin de s’assurer de répondre à ses besoins. L’anxiété, le milieu familial, les conditions de travail, le sens de la vie et l’histoire personnelle peuvent être la source du déséquilibre psychologique.

SEPT QUESTIONS EN REGARD DU DIAGNOSTIC DE TDAH

Théoriquement, les critères du TDAH reflètent une maturation plus lente de la libération de dopamine dans le cortex préfrontal gauche. Or, Allan Shore explique que c’est l’hémisphère qui se met seulement en place durant l’adolescence.

Par ailleurs, les fonctions émotionnelles sont prioritaires par rapport aux habiletés cognitives. Aussi, un enfant vivant de l’insécurité aura de la difficulté à « recruter » les fonctions cognitives tant et aussi longtemps qu’il ne se créera pas une carapace mentale.

Le diagnostic présume ce qui se passe dans le cerveau, mais les sources neurologiques du TDAH sont bien plus nombreuses qu’on ne le dit généralement, tel que le soulignait récemment le neuropsychologue Jean-Philippe Vaillancourt dans un article faisant la synthèse des connaissances en neurosciences.

Il y a donc plusieurs alternatives à l’explication largement médiatisée. Dans mon livre « J’ai juste besoin d’être compris« , j’aborde ces alternatives sous forme de 7 questions que je vous invite à utiliser avant de suspecter un trouble mental d’origine génétique!

  1. Est-ce que cela pourrait être dû aux effets d’une difficulté à s’adapter à trop de stresseurs (famille, école, société) ou alors d’un manque de repères cohérents et constants?
  2. Est-ce que cela pourrait être dû aux effets d’un usage inadéquat des jeux électroniques et de la télévision?
  3. Est-ce que cela pourrait être dû aux effets d’habitudes alimentaires basées sur le sucre raffiné et autres colorants?
  4. Est-ce que cela pourrait être dû aux effets d’un pré-diabète, alors que les chocs glycémiques créent tantôt une sur-réaction, tantôt une sous-réaction?
  5. Est-ce que cela pourrait être dû aux effets d’un manque de sommeil, alors que les effets de la boucle de stress s’atténuent surtout quand la personne dort?
  6. Est-ce que cela pourrait être dû aux effets des logiques pédagogiques inappropriées (contenus, rythmes, matières, manque de manipulation, etc.)?

Il y a d’autres raisons pour lesquelles l’enfant, l’ado et même l’adulte peuvent manifester des symptômes s’apparentant au TDAH, sans que cela ne soit du TDAH. Il est donc important de faire attention pour prendre la bonne direction éducative ou thérapeutique.

QUELLES SONT LES CONDITIONS POUR S’ASSURER D’UN DÉVELOPPEMENT OPTIMAL DU CERVEAU?

N’oubliez pas que le cerveau atteint sa pleine maturité entre 40 et 45 ans et les fonctions neuropsychologiques se maintiennent si on adopte 7 saines habitudes de vie.

Or, la partie qui demande le plus de temps pour se développer, c’est celle qui est la plus importante pour gérer le stress et l’anxiété, le discernement et l’intégrité, l’implication sociale éthique, la gestion saine des émotions, etc.

Ce sont des habiletés qui dépendent (1) du sentiment de sécurité et (2) de l’expérience et du temps pour la vivre et l’intégrer.

Et il faut donc faire très attention de ne pas stigmatiser une personne dans un « état de faits » – le trouble psychiatrique – sans tenir compte autant des étapes de son développement affectif que du sens singulier de son comportement pour s’adapter à son environnement. Il y a donc différentes manières de voir et d’analyser les mêmes comportements.

Autrement dit, même si l’étiquette diagnostique peut être utile, elle se doit d’être questionnée de mille et une manière… pour vraiment répondre aux besoins humains de la personne en détresse.

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