Évaluations en neuropsychologie (3/5): TDAH ou neurodiversité de l’expérience humaine

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Dès qu'on parle du TDAH, les esprits s'échauffent. Mais, les débats se trompent de cible. En santé mentale, un diagnostic est une décision clinique. Il est donc soumis à l'erreur humaine.

Beaucoup se sentent interpellés par la détresse des jeunes et des moins jeunes. Depuis quelques années, de nombreuses personnes veulent aider ceux qui sont fréquemment dans la lune, parfois trop impulsifs ou simplement affectés par un grand besoin de bouger. Les critères du trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) sont inclusifs et il est fréquent que des adultes collent l’étiquette sur un enfant ou… sur eux-mêmes.

J’ai participé à de nombreuses émissions télévisées ou radiophoniques, ainsi que répondu à des dizaines de journalistes de la presse écrite, sur ce sujet depuis 15 ans. Malheureusement, force est de constater que les débats publics entourant le TDAH sont souvent dirigé vers une dualité: pour ou contre la médication. Or, ce débat est stérile, car ce n’est pas là qu’est le problème sociétal. Le problème, c’est le diagnostic!

LE PROCESSUS DIAGNOSTIQUE

Le diagnostic est posé par le médecin. Cette étape est importante, car c’est que le diagnostic indique une direction thérapeutique. Dans la plupart des maladies, on fait des mesures d’indicateurs physiologiques: tests sanguins, biopsies, scans, etc. Une fois la lésion bien identifiée, le médecin peut alors prescrire la bonne médication.

En santé mentale, tout est différent. Un diagnostic, c’est une décision clinique. Il est donc soumis à l’erreur humaine. Il est influencé par les modes ou par les drames sociaux. Il est influencé par les théories développées tant par les chercheurs que les entreprises pharmaceutiques. Il est dépendant des croyances des différentes personnes, tant celle qui le pose que celle qui le souhaite pour elle ou son enfant.

Qu’on le veuille ou non, un processus diagnostic en psychiatrie demande du temps, parfois plusieurs heures d’observations cliniques et différentes mises en situation « affordantes » pour le patient. De plus, il faudrait, ce qu’on fait peu, considérer l’ensemble des personnes impliquées pour identifier les effets systémiques.

De plus en plus, le médecin va se faire aider du travail d’évaluation psychométrique offerte par les neuropsychologues ou du diagnostic psychologique émis par un psychologue. À la base, c’est une volonté de travailler en équipe, mais c’est souvent parce que le médecin n’est pas à l’aise avec la demande de diagnostic et il veut d’autres avis avant de prendre une décision.

Il arrive que le médecin recourt lui-même à ses observations ou l’usage des tests psychométriques que le parent et l’enseignante rempliront chez eux sur l’idée qu’ils ont de l’enfant ou de l’adolescent.

Parfois, il y a même un contact direct entre l’enseignant(e) et le médecin, au mépris des règles fondamentales du secret médical et des droits légaux des parents, avant ou après le début de la médication de manière à ajuster la dose prescrite.

ET SI ON SE TROMPAIT?

Dès 1999, Santé Canada, l’Agence fédérale de protection de la population en matière de santé, publiait une étude pour signaler que les critères utilisés pour poser le diagnostic étaient trop inclusifs. Cela veut dire que c’est trop facile de se reconnaître ou de décrire une pathologie au départ d’indices qui ne sont généralement que des comportements normaux, même si parfois ils peuvent déranger.

Et quand on regarde ce qui est publié dans des livres « vulgarisant » ces comportements pourtant normaux et naturels dans des situations de stress, c’est encore pire. Combien de gens s’inventent une expertise sur le sujet, alors qu’ils n’ont pas fait (volontairement ou non) une exploration minimale de ce que les neurosciences expliquent désormais?

En effet, on constate pour plusieurs troubles psychiatriques que, derrière un symptôme utilisé comme critère d’une maladie mentale, peut se cacher plusieurs zones du cerveau. Souvent, on va alors aller vers le diagnostic à la mode. Il est donc utile de douter de la validité de certains diagnostics psychiatriques. Le médecin doit donc user autant de discernement que d’intégrité dans ce processus. A-t-il seulement eu accès à toutes les informations?

Le problème quand le jugement clinique a été influencé de manière indue, c’est que le diagnostic indique une direction thérapeutique erronée.

Que le traitement soit pharmaceutique, éducatif ou psychothérapeutique, l’erreur humaine va conduire le patient vers un échec et forcer ou maintenir la médication pour normaliser les comportements.

Je vais donner un exemple de mauvaise direction thérapeutique qui, dans ce cas, a eu des effets dramatiques. Cet exemple est détaillé dans mon livre Médicaments et performance humaine, dans lequel vous trouverez les références nécessaires pour approfondir le débat si vous le souhaitez.

L’EREUR EST HUMAINE, MAIS ELLE PEUT AVOIR DES EFFETS DRAMATIQUES

Revenons en 2009. C’est la crise du H1N1 partout dans le monde. La Santé publique encourage la vaccination, ne serait-ce que pour protéger l’honneur du gouvernement au cas où une pandémie mortelle surviendrait de manière inattendue.

En ce qui concerne la grippe, elle est peu utile, mais elle est rentable pour les entreprises qui les fabriquent. En effet, Radio-Canada annonce, chaque année, que le vaccin n’a pas eu l’efficacité voulue, pour ne pas dire qu’il est inefficace. Alors, les gens résistent, même si quelques centaines de milliers de personnes acceptent le deal grâce à la campagne vaccinale organisée.

Puis, un drame. Un ado passe la fin de semaine dans un tournoi de hockey. Quand il revient à la maison, il s’effondre. Emmené à l’urgence, on diagnostique le H1N1 et on lui donne du Tamiflu. Dans le cas d’une sévère grippe, on a 48 heures pour l’injecter et favoriser la guérison. Au de là de ces 48 heures, le médicament a l’effet inverse et induire le décès du patient. Le diagnostic doit donc être posé rapidement pour que le traitement puisse être offert. Pourtant, le jeune meurt dans les heures suivantes. La grippe semble avoir gagné. Une vie est perdue.

Les média parlent de ce drame. Beaucoup de gens paniquent. Ils vont dès lors aller se faire vacciner. Quelque 3,9 millions de Québécois recevront le vaccin. Pourtant, le ministre de la santé reconnaîtra quelques mois plus tard que 1,4 millions de gens ont eu la fameuse grippe sans conséquences.

Alors que l’influenza abrège la vie de milliers de personnes chaque année, le H1N1 aura induit, cet hiver-là, quelque 80 décès au Québec, dont 78 de ces personnes avaient une condition médicale cardiovasculaire très hypothéquée. Leur coeur n’a pas tenu le choc… Pour les autres, ils se sont créé leurs anticorps naturellement.

Mais revenons au jeune hockeyeur… L’autopsie démontrera, quelques jours après le décès, que le jeune avait en fait une méningite. Dans le tumulte de la crise H1N1, « on » a mal interprété les symptômes et « on » a injecté le Tamiflu, ce qui, malheureusement, a conduit au décès du jeune. On n’a pas donné la bonne direction thérapeutique.

C’est cela que je dénonce: on est tellement bombardé d’infos par les « promoteurs » des théories dominantes (bien ficelées par les lobbies et les scientistes) qu’on prend le risque de poser un diagnostic erroné, alors que les solutions mises en place ne peuvent pas marcher.

L’EFFICACITÉ DES PSYCHOSTIMULANTS

Les neuroscientifiques ont démontré que seules les personnes pour qui la médication psychostimulante fonctionne à faibles doses sont réellement affectée par un TDAH. C’est le genre de démonstrations auxquelles on assiste lors des séminaires internationaux réunissant les experts de la recherche en neurosciences, mais moins fréquemment quand l’auditoire est composé essentiellement de médecins. Encore moins lorsqu’un expert témoigne au micro d’un journaliste.

Lorsque les doses sont élevées, on peut donc s’interroger sur le diagnostic. Il y a de forte chance qu’alors, on traite avec des psychostimulants des personnes souffrant d’anxiété, de trouble de l’adaptation, de stress-post-traumatique, de pré-bipolarité, de troubles de la personnalité, etc.

Le diagnostic de TDAH permet d’utiliser une amphétamine pour normaliser les comportements, mais on se trompe de direction thérapeutique. On ne vient pas en aide à la personne, dans le sens que les causes des défis psychologiques ou les conséquences des traumas ne reçoivent aucune attention. La personne reste prisonnière de son histoire singulière. Pendant des années. Elle-même, elle se croit atteinte du TDAH.

L’action pharmacologique peut être pourtant efficace. En effet, le psychostimulant bloque la conscience de la plupart des sensations comme, par exemple, la faim. À tel point que les études ont montré une variation de 5 centimètres entre ceux qui prenaient et ceux qui ne prenaient pas ces médicaments. Il ne faut pas oublier que les amphétamines ont souvent été utilisées dans les années 1960-70 pour maigrir.

BLOQUER LA CONSCIENCE DU STRESS

Cette médication a aussi été utilisées par les Nazi pour que leurs soldats soient plus efficaces au combat. Plus récemment, un procès dans les années 2000 a montré que les États-Unis pratiquaient aussi cette forme de dopage pour leurs pilotes de chasse. Dans ce cas, les pilotes ne sentent pas la fatigue, mais ils perdent une part de leur jugement. L’un d’entre eux tua, avec ce qu’ils appellent un « tir-ami », quatre soldats canadiens au début de la guerre afghane.

Les psychostimulants bloquent également toute prise de conscience de l’état de stress, c’est une des raisons pour lesquelles cette médication peut améliorer les apprentissages scolaires. La personne peut performer sans être dérangée par les effets physiologique de la boucle de stress. C’est ainsi que des problèmes de bradycardie et de tachycardie peuvent apparaître, car tant la boucle de stress que le médicament affectent le rythme cardiaque. C’est d’ailleurs pour cela que le médecin vérifie la fréquence cardiaque de son patient avant et pendant la prise de psychostimulants.

Faut-il s’étonner que ce soit le médicament privilégié, sous prescription médicale ou par le marché noir, d’étudiants en Droit et en Médecine de manière à soutenir l’effort imposé par leurs études de haut calibre dans les périodes d’examens?

C’est un sujet tabou dans les universités, mais c’est une triste réalité. Et c’est moins dommageable, tant pour le cerveau que le corps, que la molécule-soeur, c’est à dire la cocaïne!

NE PAS SE TROMPER DE DIRECTION THÉRAPEUTIQUE

C’est ainsi que, si une personne reçoit un diagnostic erroné, la direction thérapeutique – quelle qu’elle soit – sera erronée. En santé mentale, cela conduit inévitablement à la prise d’un médicament sur de longues périodes ou le décrochage familial, scolaire ou social. Et il vaut mieux prendre un médicament que d’être coincé dans une impasse psychologique. Toutefois, le psychotrope finira par abimer la zone du cerveau sur laquelle il agit, comme pour n’importe quelle drogue.

Le pire, c’est que la plupart du temps, la médication est suffisamment efficace pour éviter qu’on s’interroge sur le diagnostic et, par un mécanisme humain d’autoprotection, les personnes chercheront à protéger, voire à défendre, leur décision clinique. Somme toute, le problème n’est pas la prise du médicament, mais le diagnostic. Je ne suis pas le seul à le signaler.

Le neuropsychologue Jean-Philippe Vaillancourt et le psychiatre François Gonon expliquent dans plusieurs articles et chapitres de livres intéressants que les sources neurologiques du TDAH sont bien plus nombreuses qu’on ne le dit généralement.

Pour se positionner dans ce débat, il est important de repréciser l’importance de bien analyser la situation vécue par la personne, jeune ou moins jeune. Ce qui est vrai, c’est la détresse du patient et, souvent, de son entourage. Mais, les phénomènes impliqués dans l’apparition des symptômes sont très complexes et les causes peuvent être multiples, tel que je l’explique dans le livre J’ai juste besoin d’être compris.

QUI PROFITE DE CETTE ERREUR?

Les échanges tombent alors dans la dualité (pour ou contre) et les jugements de valeur s’amoncellent, car l’esprit humain a de la difficulté à aborder des questions complexes.

Cela dénote aussi beaucoup d’impuissance ressentie pour aider les enfants et les ados.

Ou la détresse accumulée de l’adulte, en regard de ses propres défis.

La question est alors de s’interroger: qui profite de cette erreur?

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