Quand les enfants sont bousculés par la vie

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Lorsqu'un enfant ou un adolescent est bousculé par les réalités de la vie, il convient d'essayer de trouver la meilleure manière possible pour l'aider à se reconstruire. On peut même espérer transformer la triste expérience en opportunités pour développer des habiletés singulières.

Bien sûr, il y a des situations comme la maladie grave qui demande beaucoup de patience et, souvent, conduit à la séparation des parents tellement le stress est omniprésent. Oubliant de prendre soin d’eux-mêmes, les partenaires s’oublient et le couple s’étiole.

Et puis, il y a les enfants en santé, alors que leur soeur ou leur frère risque sa vie et que les parents sont absorbés par le processus médical… Une réalité bien décrite par l’oeuvre de Marilyne Petit qui, d’ailleurs, propose des pistes de soutien pour les frères et soeurs en santé…

LES ENFANTS SONT BOUSCULÉS

Il y a d’autres situations. Plus pernicieuses. Celles que beaucoup choisissent d’ignorer. Celle qu’on appelle désormais la «violence éducative ordinaire» (VEO). C’est un concept qui, brièvement, englobe les différentes formes de décharge d’agressivité d’un adulte sur un enfant sous des prétextes disciplinaires. Qu’elle soit occasionnelle ou chronique, cette violence s’opère dans les maisons, dans les classes et dans certains clubs sportifs.

Cette violence éducative, je l’ai subie toute mon enfance et mon adolescence. Des parents tellement déconnectés des valeurs qui sont les miennes aujourd’hui. Mais, aussi, l’enseignante alors que j’avais 5-6 ans. Elle me frappait, me coinçait entre la porte et le mur, m’enfermait dans le walk-in de la classe qui lui servait d’armoire…

Puis, j’ai changé d’école et j’ai rencontré des profs extraordinaires tout au long de mon parcours scolaire. Ils ont fait une différence en me permettant de comprendre que je valais la peine d’être aimé et qu’il n’était pas normal d’être frappé. Pourtant, personne ne savait ce que nous vivions à la maison. Je connaissais mon enfer et jamais je n’aurais dénoncé quoi que ce soit, de peur de vivre pire que ce que je vivais déjà. Cela dit, trente ans plus tard, plusieurs adultes m’ont avoués qu’ils étaient conscients de ce qu’il se passait, mais qu’ils s’étaient sentis démunis par peur des représailles.

ANGOISSE ET IMPUISSANCE

Je croyais cela derrière moi. J’ai tout fait, depuis mes 12 ans, pour m’assurer de briser ce cycle de violence.

Ce n’est pas pour rien que je parle d’éducation bienveillante, d’intervention cohérente et constante, de respect malgré qu’on se sent parfois désespéré face aux comportements dérangeants… Ce n’est pas pour rien que j’enseigne des outils pour soutenir le développement des jeunes sans recours aux abus d’autorité, mais sans non plus devenir laxiste.

Ma conjointe et moi étions sur la même longueur d’ondes. On se parle souvent pour assurer cette cohérence et cette constance dans nos interventions parentales. Nous avons donc créé un environnement familial sain et serein.

Pourtant, il y a un an, mon fils terminait une année difficile, pour ne pas dire terrible. Alors qu’il faisait sa première année primaire, il a subi cette forme de violence tellement banalisée par ceux qui la commettent et par ceux qui préfèrent fermer les yeux.

Tout est parti du jour où, du haut de ses six ans, il a dénoncé le racisme de son enseignante envers un élève de sa classe. De ce jour, les mesures vexatoires et les abus d’autorité ont été exercé avec une violence inimaginable.

Dans un premier temps, nous avons été bousculés comme parents. L’angoisse, chaque matin, alors qu’on dépose l’enfant pour qu’il prenne le bus. Il a mal au ventre, il a peur. Il perd le goût d’apprendre. Puis, la lecture de courriels dans lesquelles l’enseignante décharge sa frustration: des situations banales de la vie d’enfants sont détournées pour dénigrer et justifier la méchanceté gratuite, cette fameuse violence éducative ordinaire.

Après avoir douté tant de nos valeurs éducatives que de la capacité de notre fils à respecter les consignes, on commence à mieux cerner ce qui se passe. Notre fils raconte les mêmes détails à trois ou quatre adultes, à différents moments. S’il mentait, les histoires seraient plus compliquées à comprendre.

Cela reste un parcours tortueux. La difficulté de se faire entendre, malgré que nous sommes des parents articulés et calmes. La directrice-adjointe a choisi de fermer les yeux. Préférant accabler l’enfant que d’intervenir auprès de leur employée abusive. Il paraît même qu’elle se ventait de la situation…

D’une manière surprenante, trois ados sont venus me consulter durant cette période. Si j’avais encore des doutes, ils confirmèrent mes craintes. Ils avaient chacun eu cette enseignante dans leur parcours scolaire. L’un d’eux était encore marqué, à 17 ans, par cette violence récurrente qu’il avait lui-même subie quand il était dans sa classe. Les deux autres avaient été plus témoins que victimes des abus. On est donc face à une prédatrice qui, chaque année, choisit un élève qui devient son souffre-douleur. Pathétique.

Des enseignants bienveillants confirment nos craintes, mais ils sont coincés face à leur collègue. Le directeur de nous dire qu’il a peur d’intervenir, car il sait que ce sera pire.

Des parents qui me témoignent « ouf, quand je vois ce qu’elle se permet devant moi, qu’est-ce qu’elle fait quand aucun adulte n’est présent! »

Une stagiaire qui m’écrira quelques mois plus tard que la violence éducative de cette enseignante a failli lui faire renoncer à son métier, alors qu’elle terminait sa 4e année de formation universitaire. Mais, elle signalera la situation à l’université qui prendra acte.

VIVRE UN JOUR À LA FOIS

Tout garder en dedans pour essayer de dire à notre enfant que les jours meilleurs arriveront. L’aider à exprimer ce qu’il ressent et l’aider à développer son discernement. Le support d’une collègue psychologue fut également tellement précieux. Nous avions un entourage sain, heureusement! Des amis, son parrain et sa marraine lui démontraient toute leur affection. Même Mélou, une précieuse amie, lui envoyait des chansons ou des messages tendres pour l’encourager.

Je n’ose imaginer ce que les parents vivent quand leur enfant est affecté par une maladie grave. J’en ai accompagné, mais la douleur et l’impuissance sont tellement vives, alors qu’on doit garder confiance dans le processus de la vie…

livre enfants parents

Isabelle Maréchal, alors animatrice au FM98,5 m’avait proposé d’aborder la situation dans une émission qui serait consacrée à cette forme de VEO. Toutefois, je ne voulais pas blesser les bons profs qui auraient pu se sentir bousculés par le comportement inacceptable de leur collègue inconnue, mais bien réelle. Et puis, je ne me suis jamais servi de ma position de personnalité publique pour obtenir un gain personnel, même si – dans ce cas – c’était pour dénoncer cette VEO inacceptable.

Alors, nous avons choisi de le retirer de l’école dès la fin des examens de fin d’année. Et nous avons commencé à reconstruire. L’écriture de mon 10e livre (Et si on les laissait vivre) fut salvatrice: comme un cri du coeur pour prendre en considération les réalités des enfants et des ados, sans toutefois minimiser leurs gaffes, leurs comportements dérangeants ou les situations inacceptables, mais en proposant des stratégies bienveillantes.

Ensuite, la «Lettre à mon fils», qui se voulait une ode à son courage et l’expression de tout mon amour de père, malgré l’impuissance ressentie pendant des mois. Pour lui, mais aussi pour tous les enfants qui subissent quotidiennement cette violence éducative ordinaire.

Puis, l’année scolaire se finit. Un été dans la nature et une année scolaire pleine de bonheur, alors que nous avons fait le choix de l’école à la maison. Puis, le directeur général qui, durant l’automne, écoutera notre expérience et prendra par la suite des décisions pour signifier que de telles situations ne doivent pas se reproduire.

UNE AUTRE VOIE

Les décisions que nous prenons, comme parents, ne sont pas toujours faciles à prendre. Il y a parfois beaucoup de paramètres à considérer et certains sont contradictoires. Le tout est d’être capable d’assumer les conséquences.

Quels que soient nos acquis, nous réagissons tous avec ce que notre expérience, nos sentiments et nos émotions nous offrent comme points de repère.

L’expérience de notre fils a résonné sur la nôtre. Nous avons dû prendre le temps de prendre soin de nous-mêmes, tout en prenant soin de nos trois enfants.

Il est toujours plus facile d’être lucide pour intervenir auprès de personnes moins proches. Bien que la résonance émotionnelle fasse partie de l’expérience humaine, elle nous mène moins à fleur de peau quand une certaine distance rythme les échanges et autres décisions. C’est pour cela qu’un médecin doit éviter de prescrire des médicaments à ses proches.

Pour notre jeune fils, le choix que nous avons fait, après y avoir réfléchi pendant des mois, c’est de faire l’école à la maison.

Cela ne remet pas en cause les écoles dans leur ensemble et encore moins les millions de super-profs qui, chaque matin, se lèvent comme Mlle C et M Keating pour aider nos jeunes à développer savoirs et autonomie. J’en ai rencontré plus de 2000, cette année, à travers près d’une trentaine de formations et conférences données dans des écoles. J’ai croisé de belles personnes soucieuses du devenir d’autrui, désireuses de mieux comprendre l’enfant et l’ado.

Malgré cela, il y a parfois des situations singulières qui réclament une autre voie. Et, pour nous comme pour d’autres parents, ce sera le choix de l’école à domicile. À suivre dans le prochain texte!

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