Stimuler la résilience des enfants et des ados pour les aider à canaliser leurs colères

Date

Nous avons beaucoup de difficultés à accepter les crises de colère de nos enfants et de nos adolescents. Qu’ils soient à la garderie, à l’école ou à la maison, la manifestation de la colère est souvent dérangeante. Toutefois, ce n'est pas par hasard que la colère soit une des cinq émotions de base dans la panoplie de ressources affectives. En effet, elle contribue à assurer la survie de l'individu.

Il faut distinguer deux éléments. D’une part, la colère peut s’exprimer de manière dérangeante, mais elle est vitale pour la survie de l’individu. D’autre part, c’est la décharge de frustrations, par des gestes agressifs ou par des mots blessants, qui pose problème. L’intervention ne doit donc pas inhiber la colère, mais soutenir l’enfant ou l’adolescent pour qu’ils apprennent à canaliser ses frustrations de manière constructive. Et cela prend des années et des années pour que le processus de régulation soit assez efficace.

COLÈRE ET RÉSILIENCE

Considérée parmi les cinq émotions de base assurant la survie, la colère, c’est une émotion qui pousse à réagir, à se relever après avoir chuté, rencontré un écueil ou vécu un échec. La colère permet de dire « ça suffit, je me relève ».

Cette émotion dérange, d’une part, quand la décharge finit par blesser physiquement ou psychologiquement un tiers et, d’autre part, elle confronte l’autorité, surtout dans des situations d’abus d’autorité.

Pour réduite la fréquence des crises de colère, une intervention bienveillante consiste à aider le jeune à construire sa résilience. En fait, l’idée, c’est de l’aider à choisir de canaliser ce qu’il vit et ressent pour en faire quelque chose de constructif.

C’est un apprentissage qui se poursuit toute la vie… Mais, surtout, c’est une manière d’aider l’enfant et l’ado à canaliser leur résilience pour être capable de développer leurs ressources et s’impliquer concrètement dans leur vie…

STIMULER LA RÉSILIENCE DE L’ENFANT ET DE L’ADO

J’ai déjà entendu desparents affirmer sur les médias sociaux qu’une bonne claque ne nuisait à personne ou que les manquements éducatifs allaient stimuler la résilience des enfants!

Que nenni! Ces deux affirmations n’ont qu’un seul objectif : «réduire le sentiment de culpabilité des adultes quand ils utilisent la violence éducative pour asseoir leur autorité».

Qu’entendons-nous par une stimulation de la résilience des jeunes? La résilience, c’est la capacité de se relever après un échec relationnel ou scolaire. Il s’agit d’utiliser les situations difficiles pour en faire un terrain d’apprentissage des règles du jeu de la vie au sens large et de sa force pour rebondir après avoir trébucher.

Dans cette perspective, nous sommes dans un apprentissage par essai-erreur dans lequel le jeune peut apprendre une leçon d’une mauvaise décision ou d’une situation difficile, comme une moquerie, de l’intimidation ou un échec à un examen.

Souvent, nous essayons de minimiser les sources de stress ou d’échec des jeunes. Parfois, c’est ce qui est juste de faire. Parfois, c’est une stratégie éducative qui nuit plus au jeune que lui rendre service. En d’autres mots, comment stimuler la résilience si nos enfants et nos ados ne prennent jamais de risque (de se tromper)?

Certains experts affirment que la plupart des comportements sont prescrits par notre génétique. Or, il y a deux erreurs majeures dans cette théorie.

En premier, plusieurs facteurs jouent sur nos comportements, voire notre santé physique et mentale. On peut considérer que ces trois axes ont chacun une influence de 33% chacun:

  1. la génétique joue bien sûr un rôle important;
  2. toutefois, l’éducation et la culture joueront également un rôle majeur;
  3. la personne a aussi sa part de responsabilité et son libre-arbitre qui potentialisera soit ses forces, soit ses défis, alors que les choix peuvent modifier la régulation génétique (épigénétique).

En second, il y a une confusion entre, d’une part, la génétique et, d’autre part, l’épigénétique ou l’héritabilité. Ces dernières comprennent un héritage en termes de comportements qui favorisent ou compliquent la vie des descendants sur la base, notamment, des traumatismes vécus par les ancêtres.

Les mécanismes de défense (adaptés ou problématiques) sont transmis et sont disponibles pour améliorer les chances de survie des descendants (épigénétique), alors que les croyances des parents vont également influer sur les prises de décision de leurs enfants (héritabilité).

Dans les deux cas, la démarche réflexive permettra alors de potentialiser les ressources, alors que la force de résilience favorise les aptitudes d’une personne à développer ses habiletés affectives et trouver des moyens concrets pour vivre de manière sereine.

RÉSILIENCE

Le concept de résilience a été popularisé par Boris Cyrulnick. Basé sur une étude réalisée auprès d’enfants ayant vécu un drame, certains arrivent à transcender leurs défis pour développer une vie dans laquelle ils rompent avec leur héritage familial.

La force de résilience, c’est l’ensemble des habiletés et compétences développées par une personne pour se relever, créer du sens et transcender une expérience douloureuse pour en faire quelque chose de positif pour son bien personnel, mais aussi pour le collectif.

Un enfant battu par ses parents peut, par exemple, développer une saine gestion de son agressivité, surtout s’il rencontre des personnes qui sauront le voir, l’entendre et le reconnaître, tout en l’encourageant à développer une éthique personnelle.

Un peu comme la finale du film de Denis Villeneuve, « Incendie. » Une femme, décédée, demande à travers une première lettre écrite à ses jumeau-jumelle de retrouver leur père biologique inconnu. Une longue quête vers l’horreur commence.

Toutefois, une seconde lettre les attends à leur retour chez le notaire «vous avez désormais le choix. Vous voir comme les enfants de l’hostilité ou comment des enfants dont l’origine est l’amour profond et sincère, bien avant leur fécondation». Personne ne peut faire le chemin, le choix, à leur place.

STIMULER LA RÉSILIENCE

À 14 ans, j’étais en vacances avec mes parents et grands-parents dans le Sud de la France. Il y avait une fête au village avec, notamment, une épreuve dans laquelle les adultes devaient aller chercher un foulard entre les cornes d’un taureau. Je voulais y aller, mon père s’y oppose, mon grand-père me soutient. Mon père abandonne. Je descends dans l’arène, non sans avoir discuter avec un fermier local quant à la stratégie nécessaire pour faire les choses sereinement.

Quelques tentatives. Danger, mais bons réflexes. Les enchères montent. Puis, je tente la stratégie parfaite. Un bruit derrière moi fait se retourner le taureau qui fonce alors sur moi. Je n’ai plus le temps de repasser la barrière de bois. Je sens les cornes (enveloppées de liège) sous mes fesse, je suis soulevé du sol, je retombe quelques pas plus loin, alors qu’un autre ‘joueur’ attire le taureau à lui.

Je me relève, je retente l’aventure. Mais, c’est le taureau qui gagnera. Pourtant, le jury m’accordera le montant de l’enchère. J’étais tellement fier, tant pour le beau montant d’argent reçu que pour le regard de mon grand-père…

TROUVER UN ÉQUILIBRE STRUCTURANT

Nous voulons tous que nos jeunes puissent grandir dans un monde dans lequel ils développent leurs ressources sans nécessairement rencontrer de bien tristes situations. Pourtant, serions-nous les personnes que nous sommes si nos parents nous avaient empêchés d’explorer, de trébucher, de tomber ou d’effectuer une erreur?

Cela dit, nous ne sommes pas non plus invités à ne leur donner aucune limite. Que du contraire. Ils ont besoin de limites claires, tant sur les aspects physiques que sociaux. Un enfant laissé libre de se coucher l’heure qu’il veut, jouer avec des jeux électroniques ‘enfant-non-admis’ ou visionner n’importe quelle vidéo sur YouTube a plus de risques de se briser que de se construire.

Il est donc utile d’offrir un savant mélange de situations dans lesquelles l’enfant ou l’ado peut expérimenter ses propres limites pour, soit renoncer à certaines situations, soit choisir de développer les compétences nécessaires pour repousser la limite. Ce n’est pas toujours le parent qui ‘doit’ assurer cette présence, un coach ou un grand-père peut assurer la sécurité tout en permettant au jeune de développer ses compétences…

Cela demande également un grand lâcher prise de la part des parents. Apprendre à assurer une présence nécessaire pour éviter un laxisme bien regrettable, tout en lâchant prise pour éviter de ressembler à un parent-hélicoptère étouffant pour le jeune qui, dans un tel cas, s’effondrera ou fera ses coups dans votre dos…

LA COLÈRE

Nous avons une inconfortable relation avec la colère, pourtant l’une des 5 émotions de base, avec la joie, la tristesse, la peur et le dégoût. Souvent, c’est parce que des personnes en colère nous ont ciblés pour justifier leur profond désaccord.

En fait, il y a une confusion entre la colère et la décharge de colère. C’est la seconde qui pose problème, que ce soit une décharge de mots ou de gestes. La colère n’est peut-être pas bonne conseillère, mais elle permet de se relever quand on se sent terriblement impuissant.

Sans colère, pas de résilience.

Sans colère, pas de rebond après une situation intenable.

Sans colère, on reste coincé dans l’impuissance et la soumission.

La colère est nécessaire, mais elle doit être canalisée vers quelque chose de positif. De constructif. Et quand la résilience est solide, la colère s’estompe progressivement, car elle n’a plus sa raison d’être : le sentiment d’impuissance est dissout.

Encore une fois, cela ne se fait pas seul pour un enfant ou un ado. Il n’a pas les ressources affectives pour y arriver. Il a besoin d’être guidé par un parent ou une figure d’autorité qui lui permettra de ressentir et de transformer cette puissante émotion en gestes concrets pour se relever en cas d’échec.

IDENTIFIER LA MOTIVATION CACHÉE

Derrière chaque comportement dérangeant, il y a une peur, un manque ou un besoin.

  • Quelle est sa peur?
  • Quel est son manque?
  • Quel est son besoin?

Faites l’exercice pour vous aussi. Lorsque vous avez un comportement moins noble, quelle est votre peur?

Est-ce que vous avez besoin de quelque chose pour vous rassurer?

Y a-t-il une attente incomprise?

UN BÉNÉFICE CACHÉ?

Si le comportement dérangeant continue malgré toutes vos interventions, qu’elles soient bienveillantes ou coercitives, c’est qu’il y a deux autres problèmes :

  1. il y a un bénéfice secondaire qui touche quelque chose de tellement fondamental pour lui que le jeune est le seul à pouvoir transformer sa manière de voir les choses et de les vivre;
  2. il y a un défi existentiel dans lequel il choisit la voie sombre (le monde des « Sith » est attirant pour Anakin) et il se sabote ou sabote tout ce qui pourrait être positif, heureux et enlevant…

Dans les deux cas, un accompagnement d’une personne extérieure, que ce soit à l’école ou auprès d’un psychothérapeute sera sans doute nécessaire, car il faut sortir du cul-de-sac là où le parent ou l’enseignant font, qu’il le veuille ou non, partie du problème. Il y a nécessité d’impliquer une personne extérieure à la dynamique familiale ou scolaire.

À bientôt,

Joël Monzée
Docteur en neurosciences

Un programme de formation en ligne pour soutenir vos interventions:

Pour aller plus loin:

Plus
D'articles