Gratitude et bienveillance

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La bienveillance et la gratitude sont des valeurs de vie essentielles pour nos communautés humaines, mais elles dérangent, car elles forcent une certaine responsabilisation de chaque personne. L'heure est, de nos jours, à l'outrance, alors que la violence s'exprime de bien des manières dans certaines familles, certains lieux de travail et de nombreux espaces publics. Ces personnes violentes se moquent de ceux qui veulent privilégier la bonté. Qu'en dit la science, aujourd'hui?

S’il y a 10-15 ans, certains me considéraient comme « farfelu », car la gentillesse n’a jamais eu bonne presse dans les mondes voués à la performance, il y a de plus en plus d’études qui montrent les impacts positifs pour la santé mentale, mais aussi physique.

Bien que les fondements ne soient pas toujours bien compris, les stratégies d’accompagnement bienveillantes s’opposent à la violence éducative ordinaire. D’ailleurs, le CDC – la santé publique étasunienne – fait désormais des liens entre la violence éducative et le « terrain » physiologique qui favorise malheureusement l’apparition de problèmes comportementaux et de nombreuses maladies chroniques.

C’est ainsi que, depuis quelques années, je travaille en étroite collaboration avec la Santé publique québécoise pour développer des stratégies d’intervention misant sur la bienveillance pour sortir de la dualité autoritarisme-laxisme qui, dans les deux cas, sont des formes de négligences psychologiques, voire – dans certains cas – de l’abus, considérées parmi les plus rudes violences éducatives.

DÉPASSER LE LAXISME ET L’AUTORITARISME

Cela dit, et nous, alors, les adultes? Nous avons tous un passé. Parfois très simple, parfois compliqué. Si on ne tient pas compte de nos élans défensifs, on risque de reproduire les différentes formes de violence éducative que nous avons vécues durant notre enfance, souvent à la maison ou à l’école. C’est le cycle de la violence. Et nous devons essayer de le briser pour créer un monde plus juste.

Ce n’est pas toujours facile. Toutefois, il faut savoir que la bienveillance, c’est est un choix. Un choix de vie. Un choix de créer des relations saines. Un choix d’être avant toute chose cohérents avec nous-mêmes. Un choix courageux aussi quand tant de choses nous poussent à réagir.

Et qu’on le veuille ou non, la bienveillance quand tout va bien, c’est facile. Le défi, c’est de rester bienveillant quand la situation se complique. C’est donc important pour les jeunes que nous guidons, mais c’est aussi nécessaire pour nous-mêmes.

La bienveillance, ce n’est pas se laisser faire. Si une situation désagréable ou difficile, voire toxique, survient, il ne s’agit pas de courber l’échine. Il s’agit d’évaluer si c’est utile de réagir et, si c’est utile, de s’affirmer avec conviction sans laisser la situation vous envahir mentalement. La bienveillance, ce n’est pas courber l’échine. C’est s’affirmer et s’impliquer en cherchant à faire le bien. Et le Bien, c’est aussi mettre des limites claires et cohérentes avec nos valeurs.

La bienveillance, ce n’était pas de courber l’échine quand une personne agit de manière irrespectueuse envers vous ou une personne proche au travail ou à la maison, mais aussi dans la rue.

La bienveillance, c’est la conviction qu’on peut intervenir en privilégiant nos valeurs humaines. Somme toute, ce n’est pas de la lâcheté, mais une manière de vivre dans laquelle nous affirmons notre puissance bienveillante envers nous-mêmes et envers nos proches, mais aussi des personnes inconnues.

DÉVELOPPER DE NOUVELLES RESSOURCES

Des chercheurs ont démontré que, lorsqu’on perd confiance ou qu’on ne ressent plus la force de maintenir le cap dans nos occupations familiales et professionnelles, il est difficile d’être bienveillants. Cela fait d’ailleurs partie des symptômes de l’anxio-dépression et du burnout. Ces états émotifs sont certes désagréables, mais ils signifient avant toute chose qu’on n’est pas en cohérence avec nos valeurs et nos aspirations.

Bien sûr, les antidépresseurs peuvent tempérer la charge mentale, mais le problème de fond ne change pas. Ainsi, mon expérience clinique montre que, souvent, les épisodes dépressifs reviennent quand on n’a pas changé ses habitudes de vie relationnelles.

Fortement perturbé pendant la pandémie, les chercheurs David Cregg et Jennifer Cheavens expliquaient que si « le lien social est essentiel au bien-être et est souvent altéré chez les personnes souffrant de troubles anxieux ou dépressifs, les techniques de comportementales peuvent être inefficaces pour améliorer le lien social ». Il faut donc trouver une alternative.

Ces chercheurs ont alors mené une étude auprès de 122 personnes placées dans différentes conditions pour regarder si la bonté et la gentillesse pouvaient réduire les symptômes de l’anxio-dépression. Ils viennent de publier en décembre dernier.

Ils ont comparé trois groupes: (a) des personnes qui s’engagent dans des comportements gentils envers autrui, (b) des personnes qui suivent une psychothérapie comportementale et (c) des personnes qui utilisent des pensées positives très populaires dans les enseignements des motivateurs.

Ils ont découvert que les états de stress, d’anxiété et de dépression diminuaient bien plus dans le premier groupe que les deux autres. Comme quoi, ça paie d’être gentil. Que faisaient ces personnes gentilles? Ils devaient s’engager à réaliser – chaque jour – trois actions bienfaitrices pour autrui. Alors, vous commencez aujourd’hui?

Cet ainsi que cette étude nous encourage à « faire le bien » en étant bienveillant comme moyen de mieux canaliser le stress et l’anxiété. Toutefois, une question que les chercheurs – David Cregg et Jennifer Scaevens – soulevent: est-il possible d’aller mieux si on a de la gratitude?

EST-CE QUE LA GRATITUDE CONTRIBUE À ALLER MIEUX?

Leur première étude indique cela n’améliore que très peu l’efficacité de la régulation des émotions.

Ils ont donc analysé toutes les études traitant de ce sujet et, malheureusement, cela a confirmé que la gratitude avait une influence positive, mais non probante (dans le sens que les effets ne se démarquent pas sur le plan statistique).

Quelque part, on peut donc être très déçu, mais pourtant…

Ce genre d’études est un piège monumental pour le milieu de la recherche quantitative.

Quelque part, tant mieux si on peut observer des effets probants, mais ce n’est pas parce que les statistiques ne le démontrent pas qu’il n’y a pas d’effets positifs chez certaines personnes, voire la majorité. Peut-être vous, d’ailleurs.

En effet, le médicament est parfois utile, mais il agit comme un obus pour enlever une tache sur un drap. Le psychotrope a un effet massif qui force le cerveau à fonctionner autrement, mais souvent en coupant les sensations du corps, donc coupant l’accès au feeling (perte de la voix intérieure) et aux émotions. C’est un choix qui s’avère parfois nécessaire si la personne rencontre trop de difficultés et qu’elle se sent submergée par trop d’émotions.

Pourtant, pouvez-vous prouvez scientifiquement que vous aimez vos enfants? Pouvez-vous déterminer avec des outils statistiques pourquoi telle personne est votre amie, mais pas telle autre? Pourquoi parfois vous aimez être seule et d’autres fois entourée de plein d’amis?

On peut vous observer, mais pas mesurer vos choix. On peut déterminer des tendances, mais pas le prouver avec des données probantes. Pire, ce qui est bon pour vous ne le sera peut-être pas pour autrui. Ainsi, les statistiques sont un outil, mais elles ne sont pas l’unique moyen de démontrer l’efficience d’une pratique.

LES INGRÉDIENTS POUR QUE LA GRATITUDE SOIT EFFICACE

C’est ainsi que, pour que la gratitude soit efficace pour vous permettre de vous sentir moins stressé, il est précieux que vous l’accompagniez d’un ressenti (sensation du corps) de sérénité et de lâcher prise. Faire ce que vous pouvez, le faire le mieux possible, être rigoureux et intègre, puis lâcher prise sur le résultat. Ressentir la satisfaction indépendamment du résultat.

On est donc dans une dynamique centrée sur le plaisir d’avoir donné le meilleur de soi, mais pas dans le matérialisme attaché au résultat. La gratitude attachée au matérialisme n’induit pas nécessairement un bien-être, car la peur de perdre le confort occasionné par le résultat ou la peur qu’autrui ne reconnaisse pas les efforts accomplis crée une rupture de bien-être.

Ainsi, l’observation de 50 personnes que cela aide, 50 autres sujets pour lesquels cela ne marche pas et un troisième groupe de 50 individus pour lesquels la gratitude est faussée par le matérialisme, cela fait en sorte que les résultats ne seront jamais probants. C’est statistiquement impossible, mais cela n’empêche pas que, au moins pour 33% des sujets, la gratitude ne soit très utile!

Ainsi, nous avons la possibilité d’utiliser la gratitude de « vivre une expérience » ou du « devoir accompli » de manière à ressentir la statisfaction immatérielle.

Cela ne veut pas dire que le confort et le résultat ne sont pas intéressants ou utiles, mais que cela peut fausser les résultats des études qui ne tiennent pas compte de la complexité de l’être humain. Nos pensées doivent donc être prise en compte, car elles influent sur notre bien-être.

GRATITUDE ALTRUISTE OU ÉGOCENTRISTE?

David Cregg et ses collaborateurs ont fait une nouvelle étude, toujours pour mieux comprendre comment la gentillesse pouvait avoir des effets bénéfiques sur la santé des personnes, notamment au niveau de la maîtrise du stress et de l’anxiété.

Cette fois, ils ont séparé leurs sujets en trois groupes. Les premiers devaient s’écrire une lettre manifestant de la gratitude envers les gens qui les entouraient (reconnaissance des autres, mais aussi du bien qu’on leur fait). Les deuxièmes devaient s’écrire en mentionnant la gratitude envers eux-mêmes (autosatisfaction et estime de soi). Les troisièmes s’écrivaient une lettre neutre.

Comme il fallait s’y attendre, les sujets du troisième groupe ont très peu modifié leur état de stress. Par contre, on a vu une nette différence chez les membres du premier par rapport à ceux du deuxième groupe.

Les individus dans la condition centrée sur soi (deuxième groupe) avaient tendance à écrire des lettres plus autoréférentielles, plus longues, moins positives et qui utilisaient plus de langage intellectuel, donc déconnecté des émotions et des sensations.

En revanche, les individus dans la condition centrée sur les autres (premier groupe) avaient tendance à écrire des lettres qui étaient plus courtes et plus positives, mais aussi qui expliquaient pourquoi ils avaient de la gratitude. Les chercheurs en déduisirent que la « raison » de la gratitude avait un effet important. Et j’ajoute que le fait de ressentir (émotions et sensations) ce qui était écrit contribuait à bonifier l’expérience pour réduire le stress et l’anxiété.

Somme toute, nous avons besoin d’être impliqué, de ressentir le plaisir, la joie et la complétude de venir en aide à autrui, tout en reconnaissant combien les autres personnes contribuent à notre propre bien-être.

Nous sommes des êtres de relation et plus la bienveillance est au coeur de nos vies, plus notre bien-être est concret…

RÉFÉRENCES

DR Cregg et JS Cheavens. Gratitude Interventions: Effective Self-help? A Meta-analysis of the Impact on Symptoms of Depression and Anxiety. J Happiness Stud, vol.22, 413–445

DR Cregg et JS Cheavens. Healing through helping: an experimental investigation of kindness, social activities, and reappraisal as well-being interventions, The Journal of Positive Psychology, 2022, décembre, 1-18

DR Cregg, M. Mussara et JS Cheavens. Grateful to Help You or Grateful to Help Me? An Investigation of the Effects of Expressing Gratitude to Benefit Oneself, Research Square (preprint – 2022)

J. Monzée, Et si on les laissait vivre? Eds Le Dauphin Blanc, 2018.

DÉVELOPPEZ VOS RESSOURCES

Près de 95% des personnes ont subi, à un moment ou un autre, une ou plusieurs formes de violence éducative ordinaire (VEO) au cours de leur enfance ou de leur adolescence. Souvent, ces jeunes violentés deviennent à leur tour des adultes qui recourent à cette forme de discipline abusive. Et ainsi, le cycle se poursuit de génération en génération. Cette formation vous permettra d’identifier les indices de votre vécu pour briser le cycle de la VEO en choisissant une manière de faire la discipline de manière saine et sereine (Accédez à la formation).

Ce programme a été créé pour vous accompagner dans votre vie de famille, afin que les émotions des enfants et des adolescents soient mieux comprises et mieux canalisées vers des comportements constructifs. Adieu les crises? Non, bien sûr. Cependant, vous saurez comment guider vos jeunes avec bienveillance, cohérence et constance. Ainsi, les moments difficiles seront moins intenses et moins fréquents, car leurs émotions les guideront vers les meilleurs choix possibles. Petit à petit, les enfants et les ados se responsabiliseront et s’impliqueront concrètement dans la vie de famille (accédez dès maintenant à ce programme complet pour développer votre parentalité bienveillante).

Alors que la vie devient de plus en plus complexe et que les sollicitations pleuvent de toute part, nos mécanismes d’adaptation sont mis à rude épreuve. Si nos mécanismes de défense nous aident, nous finissons immanquablement par développer des comportements qui blessent les personnes qu’on aime et on peut se diriger vers l’épuisement professionnel. La solution? Choisir la pleine présence pour prendre soin de soi quand le stress est chronique! Cette formation vous initie à comprendre pourquoi et comment nous pouvons favoriser des relations saines et réduire le risque d’épuisement, grâce à des outils concrets et des stratégies de régulation des émotions inspirées par la pleine présence.(Accédez dès maintenant à la formation)

Ce programme de formation continue vise à soutenir les ressources psychologiques et la santé mentale des membres des équipes scolaires par une saine gestion du stress et de l’anxiété. Il s’adresse aux enseignants du préscolaire, primaire et secondaire, ainsi que tous les membres de l’équipe-école, dans un contexte d’adaptation continue, afin que les élèves et les adultes puissent vivre le plus sereinement possible les défis de l’année scolaire. Animée par Joël Monzée, Andréanne Larocque, Julie Pelletier et Sébastien Meunier, ce programme disponible en ligne est approuvé formellement par le ministère de l’Éducation du Québec (Accédez dès maintenant à ces outils essentiels pour vous permettre de rester sereins, même quand les élèves sont parfois plus difficiles).

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