Le homard et l’exosquelette

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Le homard mue deux fois par an. Pour ce faire, il doit abandonner sa carapace, se cacher et attendre qu'une nouvelle durcisse suffisamment pour lui permettre de reprendre ses activités de crustacé. Et si cette période de fatigue était une occasion de nous séparer de nos anciens moyens de défense, devenus désuets avec le temps?

Comme je le mentionnais dans un précédent texte, nous nous sommes tellement adaptés ces deux dernières années que beaucoup de personnes agissent soit avec agressivité pour maintenir leur sur-adaptabilité, soit elles s’effondrent en se sentant dépassée, et c’est normal!

Ce n’est pas une période facile pour beaucoup de personnes.

Même si vous avez développé une bonne hygiène de vie et les outils de la pleine présence, par exemples, la fatigue sera quand-même au rendez-vous. Nous avons nos propres défis et nous vivons en société, donc en contact avec des personnes hyper-réactives ou des individus sans énergie.

LE HOMARD

Ce crustacé dispose d’une carapace qui ne peut s’ajuster à sa croissance constante. Deux fois par année, le homard doit quitter l’enveloppe qui le protège et attendre que sa nouvelle carapace émerge de sa mue.

Pendant quelques jours, il doit se cacher. Il grandit et peut ressortir pour vaquer à ses traditionnelles occupations. Ce processus se représente deux fois par année et permet au crustacé de grandir. S’il a la chance de ne pas être capturé, il peut vivre jusque 60 ans…

Ces dernières semaines, j’ai utilisé l’analogie de cette mue orchestrée dans la nature avec mes patients, en comparant la mue du homard avec la période que nous traversons tous en ce moment…

C’est ainsi que cette fatigue peut devenir un bien très précieux pour transformer notre relation à nous-mêmes, mais aussi la manière dont nous interagissons avec autrui en couple, en famille, avec les amis, au travail et dans toutes les activités sociales qui colorent notre vie.

EXOSQUELETTE

Quand on est enfant, on doit gérer des situations pour lesquelles on est rarement bien préparé. Ces moments difficiles vont créer des croyances, des biais cognitifs et des comportements réactifs, etc.

Même les meilleurs parents ne peuvent pas éviter les moments difficiles de leur enfant. Ils peuvent être présents, l’outiller, l’écouter, l’accompagner. Ils ne peuvent pas empêcher les conflits à l’école ou les effets d’un premier chagrin d’amour.

Comme son cerveau n’est pas encore assez mature, les moments où le jeune se sent dépassé, impuissant, dévasté ou doit assumer des choses pour lesquelles il n’a pas encore les ressources, il va se construire un exosquellette: ses mécanismes de défense.

Ils sont utiles, mais ils deviennent étouffants, comme la carapace du homard devenue trop petite.

En effet, les mécanismes de défense ont non seulement été construits durant l’enfance, mais ils se réactivent à cause des biais et des croyances que nous nous sommes créés durant l’enfance.

Bien sûr, ils sont plus subtiles que lorsque nous étions enfants, grâce aux mues successives, mais il est peut-être temps de les abandonner. Somme toute, remisons notre exosquelette savamment constitué et choisissons de transformer notre vie, un pas à la fois.

TRANSFORMATION INTÉRIEURE

Normalement, il y a toutes les crises existentielles qui sont là pour identifier et pour transformer notre manière de vivre et d’agir.

Le piège, c’est de remettre et de renforcer cet exosquelette comportemental. On a l’impression qu’on va trop souffrir si on prend le risque d’abandonner cette carapace qui nous a servi si longtemps.

C’est peut-être un des bienfaits les plus extraordinaires de cette fatigue. On pourrait s’étourdir dans les activités ou les opportunités de distraction que la société propose. La fatigue impose de ralentir et nous permet de voir toutes les facettes de cet exosquelette.

C’est le temps de se ressourcer. Prendre le temps. Rompre avec cette habitude que nous avons de continuellement courir pour savourer les moments de famille, les rencontres avec les amis, le travail qu’on accompli encore avant les vacances…

La fatigue ralentit surtout nos mécanismes de défense. Ne plus chercher à lutter et survivre, mais à vivre. On peut conserver la plupart de nos occupations, mais elles se réaliseront sans avoir besoin de l’exosquelette, de la carapace, de l’armure…

CETTE FATIGUE BÉNÉFIQUE

La fatigue nous conduit à être moins prompts pour réagir. Il y a un petit (ou un plus grand) temps entre un éventuel déclencheur et l’éventuelle activation du mode de défense.

Ce laps de temps, nous permet de choisir si, oui ou non, nous réagissons défensivement ou nous nous affirmons dans ce que nous acceptons ou refusons désormais.

Le gain? Nous pouvons identifier les traces de nos blessures passées et comprendre qu’aujourd’hui, notre colonne vertébrale, notre puissance intérieure, nous permet de vivre sans avoir besoin de nous défendre. Nous ne sommes plus les enfants bouleversés que nous avons sans doute été.

C’est donc une invitation à faire ce qui est à faire dans les différentes sphères de notre vie, mais sans les peurs qui nous ont conduit, enfants et ados, à construire un exosquelette devenu étouffant au fil du temps.

Ainsi, nous avons l’occasion d’identifier nos croyances et nos biais cognitifs, ainsi que les pans de notre exosquellette. Profitons-en: identifions-les et transformons nos pensées!

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