Faciliter un vivre ensemble serein dans notre maison ou notre classe

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Le monde des émotions est - malgré les apparences - mal compris, mal connu. On en connaît les excès, mais rarement leur sens, pourtant tellement précieux pour orienter notre vie... Aujourd'hui, on ne sait pas ce qui est normal et ce qui ne l'est pas. Nous voudrions mieux comprendre et, en même temps, il y a une inexplicable résistance à explorer les émotions. Comment les apprivoiser et les canaliser pour faciliter l'épanouissement?

Le monde des émotions est – malgré les apparences – mal compris, mal connu.

On en connaît les excès, mais rarement leur sens, pourtant tellement précieux pour orienter notre vie… ou celle des enfants et des ados. On ne sait plus ce qui est normal et ce qui ne l’est pas. Nous voudrions mieux comprendre ce qui se passe et, en même temps, il y a une inexplicable résistance à explorer les émotions ressenties.

On se coince, on souffre. Notre vie de famille est parfois loin de notre idéal. Combien de familles volent en éclat? Et combien de profs envisagent de quitter le milieu scolaire qu’ils avaient pourtant choisi, plein d’espoir, quelques années plus tôt?

On regarde un peu l’univers des émotions, puis je vous propose un outil qui vous aidera dans vos familles!

QU’EST-CE QUI EST NORMAL?

Ces dernières années, plus en Amérique du Nord qu’en Europe, la mode est à l’usage d’utiliser les diagnostics pédopsychiatriques pour déterminer le mode d’intervention, voire l’organisation des écoles. Cette mode n’est pas sans danger tant pour l’enfant que pour l’adulte.

En effet, les interventions se centrent davantage sur les symptômes au lieu de s’adresser pas aux besoins en termes de développement. La grande séduction opérée par les lobbies pharmaceutiques ou les chercheurs en quête d’un financement de leur laboratoire vont favoriser la médiatisation de plusieurs « indices », souvent normaux, même s’ils sont dérangeants pour l’entourage. Leur force de persuasion a perturbé nos points de repères sur la normalité. On veut caser les individus dans des boîtes.

Nous sommes bombardés d’informations qui nous font perdre le sens de la normalité de certains comportements, et ce, même s’ils sont dérangeants. C’est ainsi que beaucoup d’adultes, qu’ils soient parents ou professionnels, y perdent bien souvent leur sentiment de compétence et s’efforce de contrer des symptômes.

  • Mon enfant est-il TDAH?
  • Mon fils est-il opposant?
  • Ma fille est-elle dyslexique?
  • Cet élève est-il un intimidateur?
  • Celle-ci est-elle une TPL?

On se fait tellement définir notre vie par les étiquettes diagnostiques, qu’on risque d’en perdre notre humanité. L’étiquette devient la définition de la personne. Pour elle même, comme pour les autres. La confusion s’installe, car on sait – en notre fort intérieur – qu’il y a quelque chose qui n’est pas juste. Tant dans notre compréhension de la vie que dans les conséquences d’une médication qui serait utilisée pour normaliser les comportements…

Pourtant, la plupart du temps, ces comportements qui nous dérangent ne sont souvent que des stratégies mal canalisées ou utilisées dans un lieu inapproprié. Le détecteur de danger est sollicité, l’enfant ou l’ado essaie de s’adapter tant bien que mal. Ce n’est pas nécessairement une maladie, c’est un besoin d’aide, de support, de bienveillance… Alors, comment l’aider?

LES ÉMOTIONS ONT UN SENS MÉCONNUS

Le film d’animation « Sens dessus-dessous » nous plongeait dans le cerveau d’une jeune adolescente tellement triste de déménager avec ses parents. La perte des repères, des amis et des habitudes, lui semblait insurmontable. Elle s’effondre, avec des moments de déprime et de frustration.

L’équipe de Pixar nous amène à voyager dans l’univers des cinq émotions primaires: joie, peur, colère, tristesse et dégoût. Et, pour vivre heureux, il faut trouver un certain équilibre. Un équilibre qui varie au fil de la journée, mais pas trop tout de même, sinon la catastrophe arrive. Si une émotion prend le dessus sur les autres, le risque de débordement augmente. Si une émotion est camouflée, elle crée un déséquilibre tout autant dommageable.

Or, la manière avec laquelle nous avons été éduqué a rarement privilégié la compréhension des émotions. On les perçoit alors comme des ennemies. Pour nous, mais aussi pour les enfants et les ados, car le phénomène de résonance émotionnelle éveille nos propres émotions: un enfant en pleur éveille notre tristesse, un ado en colère éveille notre sentiment d’injustice, une ado anxieuse éveille nos peurs enfuient…

C’est ainsi que, malgré toute notre bonne volonté, il est fréquent que nos interventions visent à « éteindre » la lumière, au lieu d’aider les enfants et les ados à canaliser leurs émotions. Et ainsi, nos enfants grandissent alors soit en inhibant une partie de leurs ressources affectives, soit en débordant d’émotivité, car ils n’ont pas appris à identifier, à comprendre et à canaliser leurs émotions.

Pour inverser ce phénomène qui se reproduit de génération en génération, il y a des stratégies de support. Quand on parle de support, c’est une manière d’aider les enfants et les ados à grandir en leur permettant d’apprivoiser ce qu’ils vivent pour se responsabiliser progressivement. Sans une présence bienveillante, ils ont de la difficulté à vivre leurs émotions.

LES RÈGLES UNIVERSELLES

Un des premiers « gestes » à poser, tant dans la maison que dans le groupe, c’est un réalignement des interventions autour des interventions universelles. Elles vont offrir un cadre sécurisant et des limites claires pour les enfants et les ados. Ils vont pouvoir savoir où, sur qui et comment s’appuyer!

Fondamentales pour assurer un « vivre ensemble » harmonieux, les règles universelles vont permettre de résoudre beaucoup des difficultés, tout en s’adressant aux réels besoins de l’enfant pour l’aider à développer ses habiletés et son sens de la responsabilité individuelle ou collective.

J’avais déjà abordé cette thématique dans un précédent texte, mais c’est une question qui revient fréquemment tant lors des séances cliniques avec mes patients que lors des conférences et formations que je donne. Pour moi, c’est tellement fondamental, que je reprends quelques instants pour vous en parler…

En fait, nous oublions fréquemment, en fait, que 80% des interventions sont efficaces, c’est à dire qu’elles sont les mêmes pour tous les enfants et adolescents, quels que soient leur âge, leurs forces et leurs difficultés. Ces interventions universelles s’inspirent du bon sens. Elles sont les mêmes pour toutes les personnes: enfants, ados et adultes!

On peut estimer à environ 15% des interventions qui vont s’adapter un peu plus précisément aux réalités des enfants en fonction de leur âge, de leurs forces et de leurs difficultés. Seuls 5% des interventions seraient plus spécifiques en fonction de l’individu, voire nécessiter parfois une aide thérapeutique pour passer à travers un événement douloureux ou pour apprendre à mieux gérer les conséquences de celui-ci, voire développer des habiletés relationnelles ou cognitives plus spécifiques.

En ce qui concerne les interventions universelles, nous pouvons distinguer trois niveaux de valeurs et consignes qui pourraient guider les adultes:

  1. le respect des lois familiales ou scolaires est prioritaire; il s’agit avant toute chose de faire respecter les consignes de sécurité, le respect des individus, la communication non-violente, etc.; les lois sont également respectées par les adultes qui démontrent, par l’exemple, la marche à suivre;
  2. le respect des règles, toujours familiales ou scolaires, permettent de tenir compte de l’âge et de la réalité particulière du moment; on peut imaginer que l’heure du coucher peut dépendre de la période scolaire ou des vacances, voire d’un réveillon ou d’une occasion particulière;
  3. les conseils sont des éléments qui arrivent en troisième phase, si les règles et surtout les lois sont respectées; elles s’adressent à des éléments moins importants ou très variables en fonction des circonstances ou de l’âge des personnes.

LES CONDITIONS D’UN «VIVRE ENSEMBLE»

Par exemple, la législation de presque tous les pays encadre l’homicide volontaire ou involontaire. C’est inaliénable et il faut une raison extrêmement sérieuse pour éviter une sanction pénale comme, par exemples, la légitime défense ou, dans certains pays, l’euthanasie.

Le code de la route appartient, quant à lui, plus aux règles qu’à la loi, puisqu’il y a des variations en fonction des situations. On ne roule pas à la même vitesse en ville ou sur autoroute, voire en fonction des conditions météorologiques.

L’interdiction de conduire sous l’effet de l’alcool appartient quant à elle à la législation du pays, il n’y a pas d’exception en ce qui concerne la limite du taux d’alcoolémie autorisé pour conduire, quelle que soit l’âge, le sexe, la profession, etc.

Dans les familles, le lieu des repas et le rangement des pièces de la maison peuvent illustrer les nuances à accorder. Il est préférable de manger tous ensemble, autour d’une table et dans la bonne humeur. Par contre, une soirée « pizza » pourrait s’organiser autour d’un film familial, alors qu’on ne devrait pas manger dans sa chambre, sauf si l’adolescent se concentre sur un travail ou l’étude en vue d’un examen.

Au niveau de la loi, ce serait plutôt l’interdiction de laisser trainer de la nourriture et de la vaisselle dans la chambre, car cela affecte la salubrité de la pièce ou de la maison. Par ailleurs, le rangement des chambres devrait figurer au niveau des conseils, ce qui ne veut pas dire que ce n’est pas important, mais cela permet de donner plus de flexibilité aux adolescents, voire aux parents qui ne font pas toujours leur lit le matin ou qui laissent parfois trainer des papiers sur leur bureau.

Éventuellement, l’adolescent devrait être responsabilisé par le nettoyage de la pièce et le va-et-vient des vêtements à laver ou à ranger. Toutefois, l’ordre du salon ou de la cuisine, qui sont des pièces communes, devrait figurer au niveau des règles.

Enfin, le nombre d’heures passées devant un écran d’ordinateur ou une télévision devrait être défini dans les règles, alors que certains programmes télévisés ou jeux vidéo pourraient faire l’objet d’une interdiction formelle en fonction du contenu de certains éléments de la charte.

CRÉER UNE CHARTE POUR ENCOURAGER LES VALEURS FAMILIALES

Chaque famille peut édicter sa propre charte. Tous doivent la respecter et on peut s’y rapporter, voire être très exigeants en matière de lois et de règles. Plus les termes sont clairs, plus il est facile de s’y rapporter.

Cela peut d’ailleurs être un excellent moment à passer en famille pour discuter de ces termes. Les enfants se l’approprient plus facilement dans une co-construction des éléments que lorsqu’ils sont imposés par les adultes.

Cela peut paraître évident pour de nombreuses personnes, mais pourtant cela semble plutôt rare qu’une telle catégorisation des « attentes » envers les enfants et adolescents soit effectuée par le couple. La création d’une charte, qui implique autant les enfants que les adultes, est pourtant un gage de cohérence qui va aider les enfants à se sentir en sécurité et clarifier les comportements attendus.

Elle peut aussi être créée dans une classe pour nuancer le code de vie de l’école et faciliter la cohérence entre les différents professeurs et les élèves.

La charte vise à accroître le degré d’intégrité de chacun, ainsi que le niveau de responsabilisation de tous les membres de la famille. Elle permet de responsabiliser chacune des parties prenantes et de sortir des rapports de force ou des situations du type «fais ce que je dis, pas ce que je fais» qui créée souvent non seulement un sentiment d’injustice, mais aussi et surtout, une perte de confiance dans l’adulte.

DE L’USAGE DES SANCTIONS

Bien que la charte permette au jeune d’être rappelé à l’ordre sans qu’une conséquence ne soit utilisée, on peut toutefois considérer, voire pré-établir, des sanctions en cas de transgression de la loi, une récompense en cas de respect des règles et des encouragements ou simplement des remerciements lorsque les conseils sont entendus.

L’objectif est, avant toute chose, la responsabilisation de toutes les parties. L’adulte se doit d’être cohérent et d’assurer une qualité de présence. C’est sa part de responsabilité première pour garantir le respect de la charte!

Enfin, n’oubliez jamais qu’un juge rend rarement, très rarement, un verdict immédiatement après que les faits aient été établis: il prend plusieurs jours, voire plusieurs semaine, pour s’assurer de ne pas réagir trop émotivement. Ainsi, il est parfois préférable pour le parent ou l’enseignant d’attendre quelques heures avant de signifier une éventuelle punition. Cela lui permettra de retrouver son calme et, surtout, de ne pas lui-même se retrouver avec une sanction qu’il ne pourra pas faire respecter.

Cela évitera également le piège de la parentalisation où l’enfant doit prendre la responsabilité du bien-être de l’adulte.

Cela améliorera une certaine uniformisation des interventions parentales, le père et la mère intervenant avec les mêmes critères, sur les mêmes éléments… Et relâcheront pour d’autres comportements. Cela évitera de jouer au parent-hélicoptère.

Pour les familles recomposées, cela permettra aussi de réduire les conflits de loyauté ou l’aliénation parentale inconsciente quand la mère et le père ne vivent plus ensemble… Elle peut mieux situer la posture des belle-mère et beau-père. La charte peut aussi amener une cohérence entre les deux maisons.

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