LA PLUS BELLE DES CHANCES, MAIS LA PRENDRONS-NOUS?
La réouverture des classes les 11 et 19 mai au Québec, le 11 mai en France et le 18 mai en Belgique crée beaucoup d’émoi. Un mélange de fébrilité à l’idée de retrouver sa classe, mais aussi une angoisse face à toutes les incertitudes, habitent nombre d’enseignants.
Depuis des mois, les médias et les décideurs politiques nous bombardent d’informations dramatisant la situation: nos hôpitaux débordent en Europe ou pourraient déborder au Canada.
Des dizaines de milliers de personnes âgées (99% d’entre-elles étaient affectées par des maladies chroniques non-stabilisées) sont décédées. Pire, certaines ne sont pas nécessairement mortes du COVID, mais des conditions d’insalubrité et de manque de matériel médical ou de personnel soignant dues au COVID.
Et pour justifier le confinement des personnes en santé, on nous parle de la longévité de la vie du virus sur des surfaces (mais en laboratoire, pas en situation réelle) et des nuages de gouttelettes potentiellement infectieuses…
Puis, les lobbies économiques ont réclamé – à juste titre – la réouverture des entreprises, histoire d’éviter la faillite due aux conditions dramatiques (fermeture) et de la concurrence déloyales des entreprises telles celles du GAFAM et autres succursales des grandes bannières américaines qui font des milliards de profits…

Il faut savoir aussi qu’un nombre non-négligeable de parents s’inquiètent de la performance scolaire de leurs enfants qui sont en congé prolongé et passent de longues heures plongés dans les réseaux sociaux et les jeux vidéos.
Dans ce contexte, les écoles vont réouvrir…
EST-CE QUE LA RÉOUVERTURE EST TROP RAPIDE?
Probablement que oui, mais elle est programmée pour que le secteur économique puisse reprendre dans des conditions minimales, mais acceptables.
Pour réduire la virulence du COVID, le Québec a décidé que les étudiants du secondaire pouvaient rester seuls à la maison et s’occuper notamment avec des cours en ligne ou des exercices transmis par leurs enseignants.
La rentrée des élèves en maternel et au primaire est mue par trois facteurs:
1) les enfants dont les parents travaillent, mais qui ne peuvent rester seuls à la maison,
2) les enfants qui ont des difficultés d’apprentissage (EHDAA) qui pourraient recevoir un enseignement adapté à leurs besoins pour rattraper leur groupe classe et vivre moins de risques de décrochage en septembre,
3) les enfants bousculés qui subissent de la violence éducative ou qui sont témoins de la violence conjugale.
Tous ne reviendront pas en classe avant septembre toutefois. Selon les informations que j’ai glanées, les commissions scolaires estiment qu’entre 65 et 85% des élèves reviendraient dans des classes d’un maximum de 15 jeunes. Il se peut donc que certains enfants ne revoient pas leur titulaire, mais seront accueillis par leur prof de gym ou d’anglais.
Comme les écoles secondaires sont libres, certains jeunes changeront de local, voire d’école, pour quelques semaines. Espérons que cela soit surtout les élèves de 5e et 6e années.
Par contre, la logistique organisationnelle pour respecter les règles de la santé publique est très difficile à organiser. On ne parle même pas de la transformation des interactions entre les individus, on parle d’un degré de salubrité imposé par la réalité de la crise sanitaire. Certains voudraient que les écoles soient aussi pures qu’un hôpital high-tech.
CHASSER LE NATUREL, IL REVIENT AU GALOP.
La première (pour ne pas lire l’unique) chose à faire dans nos classes d’ici la fin juin, c’est de créer des espaces de parole.

Des espaces où jeunes et moins jeunes pourront partager, nommer et exprimer ce qu’ils vivent et ressentent.
Essayer de construire du sens là où il n’y en a plus depuis des mois.
Recréer un sentiment de sécurité intérieure.
Toutefois, devant les demandes d’adaptation et le stress inévitable qu’elles occasionnent, les enseignants – ET C’EST NORMAL – pourraient être tentés de retrouver leur espace de sécurité personnelle en enseignant, en proposant des exercices scolaires.
Somme toute, retrouver un espace de sécurité dans des souliers qu’elles et ils maîtrisent parfaitement.
Mais, c’est un double piège.
Si les enfants sont insécurisés (et c’est normal), ils ne seront pas disponibles pour le cognitif et risquent de se désorganiser.
L’enseignant – malgré tout son talent – risque de ramer à contre-courant.
MAIS NOUS AVONS UNE CHANCE INOUIE: ET SI ON DÉCLOISONNAIT L’ENSEIGNEMENT?
Oublions l’année 2019-20.
Les élèves ont réussi. Tous. Sauf exceptions.
Préparons l’année 2020-21.
Les conditions de la rentrée scolaire de septembre 2020 seront probablement similaire à celle de ce mois de mai. Et certains jeunes resteront à la maison, alors que les mesures sanitaires seront encore sévères.
Bien sûr, les conditions sanitaires seront difficiles à vivre pour les uns, à planifier pour les autres.
Mais, considérant cette situation d’apprentissage à multiple niveaux… Et si on décloisonnait complètement l’enseignement?

Et si on déterminait un processus d’apprentissage adapté à chaque enfant ou étudiant?
Si les enfants pouvaient évoluer à leur rythme, plutôt qu’au son du tambourin martelé par les nécessités organisationnelles, on retrouverait sans doute une dimension humaine dans nos écoles…
Somme toute, les apprentissages pourraient être parfois accélérés pour ceux qui bouffent aisément la matière, généralement au même rythme qu’actuellement pour 60% des jeunes, mais aussi parfois – pour les élèves HDAA (25%) – plus lent pour faciliter leur réussite dans le cadre de leur PIA
Utilisant les 4 prochains mois pour réfléchir aux concepts, pourtant aussi vieux que le monde est monde (on en parlait déjà dans les années 1980), et pour les appliquer.
Cela se fait dans des écoles secondaires.
Cela se fait dans le processus d’instruction publique des post-16 ans (école des adultes) qui ont décroché et raccrochent pour finir leur secondaire.
Profitons de cette foutue pandémie pour réinventer l’école.
Cela ne veut pas dire de diminuer les critères de réussite.
Cela veut dire d’encourager un processus d’apprentissage respectueux des êtres humains, plutôt que des logiques temporelles.
Cela veut dire de pousser le concept de rénovation de nos écoles vers plus de lumière, plus de matériaux nobles, plus d’espace, plus d’humanité.
De petites classes de 15 élèves.
Les classes flexibles y seront la norme, au lieu d’être l’exception.
Des conditions de travail qui seront invitantes pour les profs et la relève…
Des conditions de vie qui donneront le goût aux enfants et aux ados d’apprendre… et de s’impliquer.
Alors, on crée un consensus à cet effet?