L’expérience de la survie est le chemin vers la puissance de la Compassion

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Fondamentalement, ce virus hors du commun crée une nécessité de remettre notre manière de voir notre vie... et de questionner nos émotions et notre perception tant de la vie que du jour de notre grand départ...

Ce texte – rédigé sur mon mur le 25 avril – est devenu viral… En quelques heures, il a été relayé et commenté des milliers de fois. Aussi, j’ai décidé de le placer parmi les textes de mon blogue…

Un virus a créé un vent de panique. La Chine a choisi de ne pas « tout nous dire. » Il a frappé de plein fouet l’Europe, dans un premier temps, puis l’Amérique du Nord… en attendant que d’autres pays, plus au Sud en soient aussi affectés.

Fondamentalement, ce virus hors du commun crée une nécessité de remettre notre manière de voir notre vie… et de questionner nos émotions et notre perception tant de la vie que du jour de notre grand départ…

PARCE QUE LA MORT EST PROGRAMMÉE… QUAND ALLONS-NOUS VRAIMENT AIMER?

François Legault est face à un terrible défi. Pire que celui qui, dans la nuit du 11 au 12 mars dernier, l’a conduit à prendre la décision de mettre en place les premières mesures de confinement. Celles-ci déclencheront la fermeture des écoles privées, puis publiques. Ensuite, le confinement général s’est imposé comme la moins pire des options.

Dans moins de 48 heures, soit après 7 semaines de mesures restreignant nos libertés pour s’assurer que notre système de santé soit capable d’absorber les malades qui nécessiteraient une hospitalisation, il va annoncer le processus de déconfinement progressif. C’est une décision terrible. Encore plus terrible que celle du 12 mars, car personne ne peut prévoir ce qu’il adviendra.

Ce que l’on sait, c’est que ce virus est fantômatique pour 80% et bénin pour 10% de la population, alors que 10% des malades pourraient avoir besoin de soins médicaux, dont 5% de soins intensifs et, malheureusement, un peu moins de 1% de décès.

Les médecins peinent encore à établir des protocoles pour les personnes hospitalisées, alors qu’une proportion de celles qui étaient soignées aux soins intensifs, mais qui ont survécu, peuvent conserver des séquelles physiologiques importantes. On ne rit pas. Personne ne rit.

On n’aura pas de vaccins (malgré les belles promesses, aucun chercheur n’y est jamais arrivé), mais on mettra au point des protocoles médicaux les plus efficaces possibles. On peut surtout apprendre à vivre avec ce virus. Il disparaîtra ou, tôt ou tard, une certaine immunité s’installera.

Mais, il n’en reste pas moins qu’une partie de la solution à cette crise réside dans notre capacité à nous rappeler que la mort est programmée pour 100% des êtres vivants… et même de la planète.

APPRIVOISER L’IDÉE DE LA MORT

Les citoyens des pays occidentaux n’ont plus connu de guerres depuis 1945, même si leurs armées ont été impliquées dans de nombreux conflits aux quatre coins de la planète. Dans ces lieux, les gens savent autant le prix de la vie que celui du départ pour le grand voyage. Pour certains, leur foi leur permet d’envisager un au-delà plus serein que la vie qu’ils ont parfois menée sur terre.

Mais nous?

Savons-nous gérer le risque?

Comment vivons-nous?

Faisons-nous vraiment ce que nous avons rêvé de vivre?

Oui, il se peut qu’un virus soit mortel. Comme nombre d’habitudes de vie qui génèrent des pathologies. Curieusement, celles-ci sont comme accélérées par la présence du virus qui tend à s’attaquer aux organes déjà en difficultés. C’est une des raisons – pas la seule – de l’explication du taux de décès chez nos aînés. Changerons-nous nos habitudes de vie pour adopter une meilleure adéquation dans nos choix pour la santé?

L’HERPES MEURTRIER

Mais, nous?

Que pensons-nous de la vie et de la mort?

Quand j’ai réalisé mon doctorat, j’ai travaillé avec des singes macaques pour comprendre comment fonctionnait le cerveau.

Malgré les précautions, on sait que ces singes pouvaient être porteur d’une forme particulière de l’herpès. Bénin pour eux. Latent jusqu’à qu’il se déclenche sous l’effet du stress. Mais, mortel pour l’être humain.

Pendant 6 ans, j’ai pris soin des macaques qui m’ont permis de réaliser ma thèse.

Pendant 6 ans, je savais que je pourrais mourir s’ils me transmettaient ce virus.

Aucun vaccin.

Aucun protocole de soins.

L’être humain meurt en 48 heures. That’s it.

Durant mon doctorat, une collègue étudiante travaillait sur ce virus dans l’espoir de développer un vaccin… ou du moins un protocole pour soigner une personne infectée. Doctorante dans LE laboratoire d’excellence aux USA, elle sait qu’elle peut mourir, et ce, d’autant plus qu’elle ne travaille pas en microbiologie, mais directement avec des singes positifs.

Un jour, elle se retrouve avec du virus sur les doigts. Inconsciemment, elle met l’un d’entre eux près de ses yeux. Elle s’infecte. Elle va mourir. Le protocole de soins est pourtant mis en place immédiatement. Elle tiendra 7 jours avant d’entamer son grand voyage.

À MON TOUR

Un jour, je me fais mordre par l’un de mes macaques. Un centimètre cube de chair est parti dans la gueule de l’animal.

Est-il malade ou non? On n’en sait rien. On fait un test sur lui et on envoie l’échantillon dans le laboratoire de la jeune étudiante décédée. Mais, il faut 7 jours pour avoir le résultat. Dans 7 jours, s’il s’avérait positif, je serais mort depuis 5 jours.

Je suis quand-même contraint à suivre le protocole. Je vais à Notre-Dame. Pas pour prier, mais pour être moi aussi investigué. Je bypasse l’urgence. La « morsure » comme m’avaient surnommé les infirmières va subir quelques tests. Bien qu’inutiles, je me plie au protocole médical.

Oui, la mort pourrait me rattraper dans 48 heures. Et après?

Cela s’est passé il y a 20 ans. Si je vous écris, c’est que mes singes étaient négatifs.

Je dis « mes », car c’est arrivé une seconde fois. Sauf que je n’ai même pas rempli de déclaration d’accident. Si virus il y a, je serai mort dans 2 jours. Alors, pourquoi stresser?

SI LA MORT EST INÉVITABLE, QUE FAISONS-NOUS DE NOS VIES?

Je suis très sensible à ce que les personnes vivent en ce moment. Autant celles qui redoutent d’être cruellement affectés par la maladie que celles qui ont perdu un proche. Le processus de deuil n’est pas toujours facile.

Je crois surtout que c’est plus difficile pour ceux qui restent. J’ai plein de respect pour ce qu’ils vivent.

Pour apaiser nos peines et nos peurs, il est nécessaire d’envisager le sens que nous donnons à la vie et celui que nous donnons à la mort.

Entre la naissance et le jour du grand départ, nous avons plein d’opportunités pour vivre. Mais, vivons-nous vraiment?

J’ai frôlé la mort à 7 ou 8 reprises depuis ma naissance. J’ai perdu des êtres chers. Mon petit frère, parti à seulement 9 ans. Mon meilleur ami à 33 ans. J’ai vu mes étudiantes perdre deux enfants pour l’une et son conjoint pour l’autre. J’ai vu aussi partir une troisième, dans un cancer fulgurant.

Et je ne peux nier que l’idée de perdre l’un de mes enfants est sidérante, mais puis-je les attacher à une chaise pour que cela ne leur arrive pas de mon vivant? Je peux les inviter à être prudents, mais je ne peux pas empêcher un drame.

APPRENDRE À VIVRE, APPRENDRE À AIMER

Ces épreuves m’ont conduit chaque jour à célébrer ma vie.

Chaque matin à choisir de me séparer de mes mécanismes de défense (même s’ils furent utiles en leur temps).

Me servir de chaque opportunité pour me rapprocher vers ce qui fait le plus de sens pour moi.

D’être le plus intègre possible.

D’essayer d’être cohérent.

De m’engager envers moi-même à être bienveillant envers moi, envers autrui.

J’ai eu l’occasion de manger. J’ai prié. Aujourd’hui, je tente d’aimer.

Car, c’est le seul antidote à nos peurs… Elles sont légitimes, mais elles sont surtout une invitation.

Ce que j’ai appris, toutes ces années, c’est que l’expérience de survie est le chemin vers la puissance de la compassion.

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