Élever son garçon en 2019: peut-on tenir compte des différences?

Date

Suivez Karina Marceau, la documentariste, mais aussi la mère du petit Léon dans sa quête bien personnelle pour savoir comment éduquer son fils pour qu'il atteigne son plein potentiel et qu'il devienne un homme épanoui et respectueux.

Sur le plan scolaire, on considérait en 2013 que 40% des garçons ne complètent pas leur études secondaires et se retrouvent sur le marché du travail sans qualifications (MESS). Depuis l’instauration d’un diplôme de qualification minimale (sans atteinte des objectifs de secondaire 5) et en tenant compte des retours aux études durant la vingtaine (atteinte des objectifs en math, français et anglais), les statistiques s’améliorent un peu. Que ce passe-t-il pour les garçons en milieu scolaire? Sont-ils si vulnérables ou est-ce que notre manière de les aider à grandir devrait être questionnée?

Sur le plan médical, c’est le trouble déficitaire de l’attention, avec ou sans hyperactivité (TDAH) qui caractérise nombre de jeunes garçons. En effet, l’Institut des statistiques du Québec a publié en 2018 un portrait exhaustif des défis rencontrés par les adolescent(e)s. Parmi les résultats, on considère que 23% des jeunes Québécois sont affectés par le TDAH. Or, les spécialistes affirment que 4 enfants diagnostiqués sur 5 sont des garçons. Comme la théorie dominante affirme que ce trouble est d’origine génétique, cela voudrait dire que 37% des gars ont une cette pathologie psychiatrique dès leur naissance. Est-ce toujours un problème génétique ou est-ce une difficulté à éduquer les garçons?

Pierre Potvin, docteur en psychoéducation, a rédigé en 2017 une liste des vulnérabilités en termes d’apprentissages scolaires chez les garçons, mais également de leurs problèmes de santé plus fréquents durant la petite enfance (Le problème de réussite scolaire des garçons). Ses propos sont soutenus par de nombreuses études scientifiques. Cependant, il prévient lecteurs et lectrices que, parce qu’il parle des défis masculins, cela ne doit pas être considéré comme une atteinte à la légitimité du féminisme.

Pourtant, les défis sont communs et complémentaires. Ouvrez votre télévision. Vous constaterez que, dans de nombreux films et tout autant de publicités, les figures masculines médiatisées sont tout aussi stéréotypées (en termes de violence, d’irresponsabilité et d’inconséquence) que celles des filles, mais il est difficile d’en parler…

Parfois, on a l’impression qu’il est difficile de parler des qualités masculines ou féminines, comme si parler de l’un fait ombrage à l’autre. Le politiquement correct impose un troisième genre, comme le prédisait déjà le groupe musical Indochine avec son tube « Le 3e sexe » (1985). Comme si dire qu’on aime le violet est préjudiciable au vert ou à l’orange. Comme si parler d’orange brime l’existence du citron.

Certains experts, comme certains intervenants tant du monde de l’Enfance que du milieu de la Santé, craignent que le fait de parler des défis spécifiques aux garçons, aux adolescents et aux hommes n’induise des critiques viscérales. Comme si ces défis étaient moins pertinents que ceux qui affectent les fillettes, les adolescentes ou les femmes. Comme si la détresse des unes nécessitait de minimiser la détresse des autres.

Pourtant, une société heureuse, peuplée de citoyen(ne)s responsables et impliqué(e)s dans les différentes sphères de la vie, requiert que chacun puisse développer son potentiel. L’identification des défis et la mise en place de solutions structurantes pour soutenir toutes les personnes font partie de la solution pour construire une société solidaire et respectueuse des individus, comme de la Nature…

Nous serons tous d’accord pour admettre que la force physique et certaines aptitudes sportives sont différentes chez les garçons et les filles. Et bien, il en est de même pour certaines aires du cerveau, tant au niveau des structures archaïques (ce qui fait que les petits garçons sont plus agressifs, par exemple, que les fillettes) et les aires cérébrales de l’hémisphère gauche.

L’hémisphère gauche va voir une différence anatomique qui va s’installer durant les 28e, 29e et 30e semaines de la gestation chez le garçon. Une libération plus grande de testostérone durant cette phase critique du développement du foetus va faire en sorte que le cortex pariétal tend à être plus large chez les gars, alors que le cortex temporal sera également plus large chez les filles.

Cela ne veut pas dire que les uns seront meilleurs que les autres, mais que la génétique fait en sorte que les petits hommes ont plus de ressources pour aller chasser et s’orienter dans le bois, là où les petites filles ont plus de ressources pour communiquer verbalement. Cela aura aussi des incidences sur les modes d’apprentissage scolaire, car des fonctions complémentaires s’articulent autour des aires cérébrales pariétales et temporales.

Il y a également des différences biologiques au niveau de l’hémisphère droit qui régit notamment notre vie affective. Jean Decety relevait qu’une partie du lobe préfrontal a identifié initialement comme la zone de l’amour maternel, tellement elle est active chez une maman qui regarde la photo de son enfant. Elle est aussi active chez l’homme, mais dans une moindre mesure.

Or, on décrit aujourd’hui cette aire cérébrale comme les structures impliquées dans la résonance affective, ce qui invite à prendre soin de l’autre. Et elle sera plus active chez une fillette que chez un garçon.

Parler de biologie fait souvent peur. On peut craindre une schématisation réductionniste des phénomènes humains. D’ailleurs, les diagnostics psychiatriques sont très réductionnistes de la beauté de l’être humain, puisqu’ils se basent de plus en plus sur l’effet de médications qui « normalisent » le comportement. Pourtant, la biologie est tellement utile pour aborder la complexité de l’être humain.

Marc Jeannerod expliquait que l’erreur, c’est de croire que, parce qu’on parle de biologie, cela enlève l’importance tant de l’éducation que des choix personnels de chaque individu. La biologie influe sur l’éducation et celle-ci influe sur le développement du potentiel du cerveau qui atteindra sa pleine maturité entre 40 et 45 ans. On sait aussi que l’expérience de vie modifie la génétique. Alors, pour que l’éducation soit efficiente, il faut tenir compte des différences biologiques et naturelles de chaque personne.

Pour essayer de remédier aux questionnements que beaucoup de parents se posent aujourd’hui, Karina Marceau, documentariste, mais aussi mère de Léon, s’est lancée dans une quête bien personnelle pour savoir comment éduquer son fils pour qu’il atteigne son plein potentiel et qu’il devienne un homme épanoui et respectueux.

Diffusée ce printemps par Radio-Canada Première, une série en trois épisodes réalisé par Joanne Comte se nourrit de réflexions d’experts dans des domaines comme la psychologie, la neuroscience et la sexologie, mais aussi de témoignages de parents, d’éducateurs et de jeunes hommes.

Épisode 1 – Le garçon et lui-même… Somme toute, est-ce qu’on naît garçon ou on le devient? D’une part, il y a des constats scientifiques à ce sujet. D’autre part, Karina Marceau recueille aussi les observations d’une éducatrice et du directeur du centre de la petite enfance où va son fils, Léon, pour mieux comprendre la réalité d’un petit garçon de 4 ans.

=> Écouter le premier épisode
[Avec : Karina Marceau (animatrice), Jean Morin, Nathalie Thibault, Jean Tanguay, Égide Royer, Richard Cloutier, Alexandre Dussault et Joël Monzée (invités)]

Épisode 2 – Le garçon et les autres… Le système scolaire actuel sied mieux aux filles qu’aux garçons « Ce sont les garçons qui décrochent, et ce, depuis plusieurs générations. » Pour comprendre comment favoriser la réussite scolaire de ces derniers, Karina Marceau s’entretient notamment avec des spécialistes, des adolescents et un décrocheur.

=> Écouter le deuxième épisode
[Avec : Karina Marceau (animatrice), Jonathan Marceau, Gilles Tremblay, Alexandre Dussault, Joël Monzée, Elisabeth Daigle et Nicolas Dion (invités)]

Épisode 3 – Le jeune homme et son ouverture au monde. « Les gars ont quelque chose à dire, et ils veulent être entendus », constate le professeur de philosophie Jérémie McEwen. Quelques-uns de ses étudiants se confient à Karina Marceau sur leur vision de la masculinité, une notion plus éclatée que jamais. De son côté, le psychologue Égide Royer plaide pour qu’il y ait plus d’hommes dans le milieu de l’éducation.

=> Écouter le troisième épisode
[Avec : Karina Marceau (animatrice), Égide Royer, Gilles Tremblay, Richard Cloutier, Alexandre Dussault, Joël Monzée, Ivan Bienlinski, Zéphyr Bienlinski et Jérémie McEwen (invités)]

Qu’on le veuille ou non, la société, au sens large, et tous les citoyens ne pourront pas construire leur part de bonheur sans que nous n’adressions les différents défis en termes d’éducation des enfants afin qu’ils et elles développent tout leur potentiel.

La dénégation des genres est aussi préjudiciables, tant pour les jeunes hommes que les jeunes femmes, que les préjugés ou la persécution des personnes homosexuelles ou transgenres. La sérénité des uns ne peut pas se faire en occultant les besoins des autres.

L’équivalence des droits est fondamentale dans notre société. Elle doit permettre à toute personne de trouver sa place et de recevoir l’aide nécessaire si la détresse s’installe dans sa vie. Dans le respect de ce qu’elle est, de ce qu’elle vit et de ce en quoi elle aspire…

Qu’en pensez-vous?

  • Jean Decety, « Empathie et moralité », in J. Monzée (dir), Neurosciences et psychothérapie, Éditions Liber, 2009:199-220.
  • Marc Jeannerod, « Psychothérapie et cerveau », in J. Monzée (dir), Neurosciences et psychothérapie, Éditions Liber, 2009:13-50.
  • ISQ. Données statistiques 2018.
  • Joël Monzée, « Introduction: convergence ou divergence », in J. Monzée (dir), Neurosciences et psychothérapie, Éditions Liber, 2009:9-12.
  • MEES. Données statistiques 2000 à 2013.
  • Pierre Potvin, [http://pierrepotvin.com/wp/index.php/2017/01/15/le-probleme-de-reussite-scolaire-des-garcons/]

Plus
D'articles